Crasher, chronique d’un lancement raté

Dans la masse de titres indépendants qui sortent chaque mois sur Steam et les plateformes de téléchargement en général il y a ceux qui tirent leur épingle du jeu soit par un prix attractif, soit par un excellent support des développeurs, ou d’autres critères encore. Le dernier exemple en date est Magicka qui non seulement est doté d’un gameplay original mais jouit d’un support quasi-quotidien de ses développeurs depuis sa sortie. Pour couronner le tout, il est vendu à moins de 10eur ! Mais si certains titres réussissent leur sortie, d’autres se plantent et ce n’est pas forcément parce qu’ils sont mauvais. Prenez vos cahiers et installez-vous, on va étudier aujourd’hui le cas de Crasher.

Tout d’abord je tiens à préciser : le premier bébé de Puncher’s Impact, petit développeur français ayant déjà plusieurs projets en cours de réalisation, n’est pas foncièrement mauvais. Cet article n’a pas pour but de le détruire mais de noter les points noirs d’un lancement de jeu sur Steam, notamment un jeu indépendant ou à petit budget. Sur le papier le jeu est un MOBA (traduisez Multiplayer Online Battle Arena) vous mettant aux commandes d’un bolide sur-vitaminé à la Auto Assault et équipé d’un arsenal choisi au préalable parmi une multitude de skills (un peu à la façon d’un Guild Wars). Vous mixez le tout, ajoutez des arènes multi-joueurs jouables à 3v3 ou 5v5 avec conquête d’objectif et matchs à mort et vous obtenez Crasher. Les contrôles se font au couple clavier/souris et c’est plutôt réactif et fun à manier. On avait donc tout pour faire un bon produit, mais c’était sans compter plusieurs critères qui font le succès d’un petit titre sans prétention sur plateforme de téléchargement et qui sont aux abonnés absents sur ce jeu.

Une sortie précipitée

N’y allons pas par quatre chemins, le jeu est sortit bien trop rapidement. J’ai pu faire la dernière phase de beta fermée de Crasher peu avant sa sortie et le jeu n’a vraiment pas beaucoup évolué depuis la beta. Certains bugs gênants sont toujours d’actualité, notamment un problème de clipping récurent qui nous donne l’impression de planer ou de rester coincé dans le décor par moments. Si on peut éventuellement pardonner ces bugs qui seront corrigés avec le temps, le manque d’optimisation est plus préoccupant. Avec un Core i7, 6 gigas de DDR3 et une ATI Radeon 4870 que l’on soit en haute résolution ou toutes options au minimum on a vraiment une sensation de saccade et d’à-coup lorsqu’on dirige son véhicule et ça s’accentue lorsqu’il y a 10 joueurs qui se battent pour un point de contrôle, du coup ca devient très difficile d’utiliser ses skills avec précision. Bref, une période de beta ouverte aurait vraiment été bénéfique..

Un prix exorbitant

Oui je m’explique avant d’entendre les joueurs/haters crier, Crasher aurait mérité un prix plus proche de 15eur que des 30 actuels pour plusieurs raisons. Premièrement, un titre résolument pas triple-A se vend clairement mieux à un prix d’appel entre 10 et 15eur, c’est une constatation. L’inconscient du joueur sera plus enclin à dépenser une petite somme et mieux vaut vendre 5 x 15eur que 2x 30. De plus malgré de nombreux skills et une quinzaine de véhicules à sa sortie il n’y a que trois arènes disponibles (les développeurs ont promis d’en livrer d’autres via des patches). Bien que nous ne cautionnions pas les DLCs il aurait peut-être été plus judicieux de proposer le jeu à un prix agressif et rajouter du contenu payant par ce système plus tard. Revenons également sur le jeu en lui-même. Pour se vendre Crasher a besoin de plus que des caractéristiques alléchantes, perdu au milieu des dizaines de jeux qui sortent par mois il a besoin d’un bouche-à-oreille important et que les gens prennent du plaisir à y jouer. En proposant le jeu trop cher, moins de monde est intéressé et ceux qui sautent le pas et en font l’acquisition sont désespérément seuls sur les serveurs dédiés de Puncher’s, du coup n’arrivent pas à jouer et ne feront pas de retours positifs sur le jeu.

Conséquences et spirale infernale

Évidemment les premiers retours ne sont pas tendres. Les forums de Steam sont peuplés de messages comme par exemple « Game is dead? » « OMGWTFBBQ DEVS! » « $30? Bit pricey there. » etc. Les joueurs se sentent abusés, la faute à un rapport qualité/prix plus que douteux. Malheureusement les développeurs ont l’air d’ignorer les forums de Steam, se contentant de poster les updates et des bribes d’information sur le forum officiel du jeu sur le site www.crasher.com qui n’est documenté nulle part sur Steam! Quel dommage. Les beta testeurs, eux, peuvent toujours accéder au jeu (ouf) mais c’est très difficile de trouver cinq joueurs connectés pour faire une partie. A partir de là c’est la spirale infernale, mauvais avis, prix trop haut, serveurs vides. C’est plutôt mal barré.

Rien n’est perdu pour autant, mais il va falloir que les développeurs et leur éditeur Mindscape changent leur politique marketing autour du jeu pour relancer l’engouement autour de ce produit. Une hypothétique promotion -75% serait la bienvenue. F1 2010 avait bénéficié d’une promotion deux semaines après la sortie du jeu et ça avait bien gonflé les ventes à l’époque donc tout est possible. On peut comprendre que les investisseurs poussent une sortie prématurée, mais vouloir prendre les joueurs pour des pigeons en vendant le titre à ce prix-là c’est vraiment un mauvais coup commercial. A côté de ça il va falloir que Puncher’s Impact communique massivement sur les forums de Steam pour rassurer les joueurs. Concernant la correction des bugs, une mise à jour est déjà disponible, mais il reste encore pas mal de choses à faire. On sera plus que ravi de tester ce titre qui après tout semble très intéressant, quand il sera parfaitement jouable et qu’on n’aura pas de mal à trouver du monde, encore un petit effort Puncher’s Impact!

Mise à jour d’avril 2011

Depuis la rédaction de cet article Puncher’s Impact et son éditeur Mindscape ont décidé de baisser le prix de Crasher à 14,99eur et ont fait déjà une promo, preuve qu’ils écoutent la communauté.

BiLLOU95, Rédacteur en chef