Beyond Two Souls en test, aux frontières du réel

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Tandis que nous nous rapprochons de la sortie de la PS4, David Cage et son studio nous livrent leur dernier chef d’œuvre sur PS3. Quand on parle de la France dans le monde des jeux vidéo, le premier studio que n’importe qui citerait serait naturellement Ubisoft, mais ce serait une grave erreur de ne pas citer Quantic Dream malgré un historique plus modeste (4 jeux jusqu’à présent). Cependant, ces jeux n’ont laissé personne indifférent et Beyond ne dérogera pas à cette règle. L’éternel débat sur les travaux de David Cage ne va pas s’éteindre avec cette dernière expérience. Je parle bien d’expérience, car nous sommes à mi-chemin entre le jeu vidéo et le cinéma et je ne vous ferai pas l’affront de faire du blabla sur ce que David Cage propose. Pour ça, vous irez voir ailleurs.

Après donc Nomad Soul, Fahrenheit et Heavy Rain, quel thème David Cage va-t-il aborder dans Beyond ? Il va être question de la vie et de la mort, de l’au-delà, l’évolution de la vie d’une jeune fille qui veut être comme tout le monde et qui, pour reprendre l’oncle Ben de Peter Parker, réalise à l’âge adulte qu’ »un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », l’émancipation et la recherche de la vérité. L’un des tours de force dans la narration que nous propose Quantic Dream est que ces thèmes sont traités sans considération religieuse ni parti pris. Ce test est très particulier, car Beyond est, à l’image de ses prédécesseurs, un jeu d’un genre différent. Il y a une forme de consensus qui dirait que les jeux de Quantic Dream sont des films interactifs abusant parfois des QTEs. Je dirai juste que c’est la modernisation du concept du livre dont vous êtes le héros et que le gameplay importe peu. En tout cas, qu’on adhère ou non aux projets de David Cage, la finition est impeccable et à titre personnel, j’apprécie ses jeux. Maintenant il est temps de faire place à l’insertion du Blu-Ray dans la console.

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Etape obligatoire pendant l’installation des données, il vous faudra choisir la difficulté (entre autres) du jeu pour adapter votre expérience. Première surprise, il est possible de jouer à Beyond avec votre smartphone en remplissant les prérequis suivants : télécharger l’appli Beyond Touch et synchroniser via le Wi-Fi votre appareil et votre PS3. On a un avant-goût de ce qu’on aura sur PS4 même si pour Beyond, cela se résume à une manette déportée et tactile. Deuxième surprise, il est possible de jouer à deux (avec les combinaisons manettes x2, manette/smartphone ou smartphone x2) puisque le duo Jodie/Aiden est au centre de l’histoire. L’histoire commence par le prologue où Jodie (incarnée par la célèbre Ellen Page) semble être dans l’Inframonde (le lieu où seraient les esprits de personnes décédées) et dès le début, vous prenez une claque visuelle. Il ne s’est passé « que » 3 ans entre Heavy Rain et Beyond et pourtant, le bond technologique est tout simplement hallucinant. Jodie propose de démarrer son histoire par l’attaque du SWAT dans un poste de police isolé dans la campagne et lorsque Nathan Dawkins (incarné par Willem Dafoe) entre en scène, le joueur va entrer dans une phase de jeu où tout est fait pour dérouter ce dernier.

Pour faire simple, afin de reconstituer l’histoire de Jodie sur 15 années depuis cet hiver où elle a failli étrangler un gamin dans une bataille de boules de neige jusqu’au dénouement du jeu, en passant par les étapes clés de sa vie (sa première rencontre avec Dawkins, son premier baiser, sa crise d’adolescence, sa période punk/rock whatever, ses tendances suicidaires lorsqu’elle est SDF), le joueur sera condamné à suivre ses péripéties dans le désordre (du moins jusqu’au prologue puisque je n’ai toujours pas terminé le jeu à l’heure actuelle). Ce choix peut paraître pour le moins étrange, mais je le trouve judicieux puisqu’il permet de ne pas tomber dans la linéarité scénaristique, maintenir le joueur dans une forme de dépendance puisqu’il doit aller le plus loin possible pour comprendre et proposer une autre vision qu’Heavy Rain où le scénario était déroulé avec des changements de points de vue. Et puis pour obtenir les 23 fins promises par David Cage, il va falloir s’accrocher !

Ici, les choix de Jodie sont importants puisque vous décidez entre autres qui doit vivre ou mourir, si les actes de méchanceté des personnes qu’elle va rencontrer vont se payer très cher ou plus modestement si vos amis SDF vont bien manger le soir, car vous aurez vidé les téléphones publics de leurs pièces (entre autres). Pour vous dire à quel point j’ai été accroché au jeu, c’est simple, si j’avais pu jouer à Beyond d’une traite du début jusqu’à la fin, je l’aurais fait ! Mais vous n’auriez lu ce test qu’à la fin du mois de novembre et mon rédac’chef n’aurait pas été très content… Au-delà de cette prouesse scénaristique, il faut aussi saluer la prouesse technologique puisque le moteur Kara fait des merveilles et montre que Quantic Dream sait aussi se servir de la PS3 pour la pousser dans ses derniers retranchements au point de mettre la console à genoux en 720p. Le motion capture sert très bien les intérêts du jeu et quand on voit la qualité de modélisation des visages, de la peau, des yeux et des émotions qui sont retranscrites avec précision (les pleurs, les cris de joie et de peine…), on ne peut qu’applaudir si on est un minimum objectif.

Le MotionScan de LA Noire, que je trouvais incroyable et extrêmement convaincant, semble être à des années-lumière de ce que propose Beyond avec Kara. Il y a certes Naughty Dog qui propose un moteur hallucinant, mais sur Uncharted 3 ou The Last of Us, les environnements étant bien plus ouverts que dans Beyond, le travail sur la modélisation des persos est, à mon avis, un peu moins fin. Côté gameplay, on retrouve le travail qui a été fait dans Heavy Rain bien que l’utilisation de la manette ait été simplifiée (même dans le mode « je joue souvent aux jeux vidéo »), mais David Cage avait justifié ce choix pour rendre l’immersion dans l’histoire contée dans Beyond plus intense. Cela dit, les phases de combat se font au stick droit de manière assez naturelle et les phases de contrôle d’Aiden sont très simples à maîtriser (L1 pour fixer les éléments marqués d’un point bleu et utilisation des deux sticks pour interagir avec ces éléments).

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Les phases de jeu avec Aiden ont été pour moi les plus intéressantes puisque vous contrôlez un fantôme avec ce sentiment d’impunité face aux actions que vous déciderez de mener. Les choix que vous opérerez avec Aiden seront plus forts que ceux de Jodie. C’est par lui que passe la vengeance, la violence (le barman qui tue deux clients ayant tenté d’agresser Jodie et qui se suicide) et le voyeurisme. Aiden représente à la fois le protecteur de Jodie (par intérêt ?) et son côté malsain et sadique (il va parfois beaucoup plus loin que ce qu’il ne faudrait pour écarter les gêneurs). En définitive, si vous êtes un habitué des QTEs et avez retourné Heavy Rain, vous ne serez pas dépaysé par le gameplay proposé par Beyond. Par contre, je n’ai pas voulu tenter l’expérience tactile ni invité un ami chez moi pour m’aider, car j’ai préféré me plonger seul dans cette aventure. Pour terminer sur une pointe d’humour, je dirais qu’à l’instar d’Heavy Rain avec son fameux troll sur le Press X to Jason, nous allons surement nous retrouver avec un Press « Triangle » Δ to Aiden (avec l’apparition d’une appli qui concurrencerait Beyond Touch ?).

Tout au long de l’histoire, on pourrait reprocher qu’Ellen Page ne sourit pas et bien que le scénario concocté par David Cage ne lui donne que très peu d’occasions de le faire, il y a une scène dans le jeu où Ryan Clayton (incarné par Eric Winter) demande à Jodie d’agir naturellement. Elle est tendue par la mission qu’elle doit accomplir pour la CIA et l’agent Clayton lui donne pour consigne de sourire si une personne venait à s’adresser à elle. Sa réponse vient avec un sourire forcé et peu visible où elle lui demande si elle doit être naturelle ou si elle doit sourire. Remarque, Jodie esquisse un sourire pendant la fête d’anniversaire au prix d’une canette de bière et d’un joint qu’elle a fumé en débutante. Quand on voit par la suite qu’au naturel, Jodie Holmes ne sourit quasiment jamais… Je comprends mieux pourquoi Ellen Page a très peu souri durant l’avant-première. Elle était encore habitée par son rôle.

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Conclusion

Quantic Dream a de nouveau démontré que la console de Sony était encore capable d’offrir des jeux d’une incroyable qualité. Après avoir vu ce qu’ils étaient techniquement capables de faire sur PS4 via The Dark Sorcerer, je n’ai qu’une hâte que la prochaine histoire de David Cage soit d’aussi bonne facture. J’en salive d’avance. A l’heure où nous devrons tirer le bilan de cette console, il sera indéniable que Beyond aura sa place parmi les jeux ayant marqué cette PS3 de par sa qualité graphique, son scénario et sa trame originale.

Note globale

★★★★½

Yamaneko, Rédacteur occasionnel

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