Max Payne 3 en test, gunfights et samba au pays de Ronaldo

Dix ans… Il aura fallut patienter pendant dix ans pour enfin revoir la gueule abimée de Max Payne sur nos écrans, dans autre chose qu’une adaptation cinématographique minable avec, en prime, un acteur merveilleux capable de maitriser rien de moins que deux expressions avec ou sans les sourcils. Nombreux sont ceux qui ont priés pour ça, cherchant jour après jour, la moindre petite photo, la moindre rumeur tendant à démontrer que la licence était toujours vivante. Et pourtant sa vente en 2010 par Remedy (le studio à l’origine de la légende) à Rockstar Games, les géniaux développeurs de GTA, n’augurait pas forcément le meilleur. Il est rare qu’une licence emblématique survive à la séparation de son géniteur. Autant vous le dire tout de suite, Max Payne 3 s’en sort très bien, et aux vues des préventes déjà énormes, il y a fort à parier qu’Osari Hakkinen, directeur des studios Remedy et accessoirement, l’homme qui a tant douté du retour de cette licence sous les feux de la rampe, tire méchamment la tronche.
Torturé par la mort de toutes les femmes ayant traversées sa vie, de Michelle son épouse à Mona Sax, Max n’est plus que l’ombre de lui-même. Un fantôme errant de bar en bar, poussé par son alcoolisme et son addiction aux antidouleurs, cherchant, en vain, une raison à ce qu’il reste de sa vie. Un soir, il rencontre Raul Passos, une vieille connaissance, qui lui propose un boulot de rêve : garde du corps pour une riche famille brésilienne. De quoi passer une retraite dorée au soleil à s’envoyer des piña colada en charmante compagnie au bord d’une piscine. Hélas pour lui et tant mieux pour nous, Max a la mauvaise habitude d’attirer les problèmes et ce n’est pas quitter New York pour São Paulo qui va les empêcher de le retrouver. Alors qu’il est censé protéger la femme d’un riche homme d’affaire, celle-ci se fait enlever par un groupe armé.
Les réflexes ramollis par le whisky et les drogues, Max se lance à leur poursuite dans ce qui sera une traque infernale au travers des favelas les plus sordides du pays, aux prises avec le gang trouble fête et une organisation paramilitaire bien mystérieuse. Heureusement, notre héros n’a pas tout perdu de sa superbe et c’est avec grand plaisir que l’on retrouvera le bullet-time, ou comment caler quatre ou cinq headshots tout en arrêtant le temps à la manière d’un Neo qui aurait bien mal vieilli. Bien sur, pour cela il faudra toujours recharger une jauge se remplissant au fur et à mesure que l’on dégommera de la racaille par paquet de douze. Max, dans sa défonce dépressive, a également dut prendre quelques cours de close combat, puisqu’il lui sera désormais possible de se débarrasser de ses ennemis au corps à corps, enchainant les coups jusqu’à déclencher une sorte de fatalité finale et sanglante.
Modernité oblige, il faudra également trouver de bonnes couvertures pour éviter de bouffer du plomb et pour cela, rien de plus simple, puisqu’il suffira d’une petite pression sur le bouton X pour que Max court se planquer derrière le premier mur venu. Ce système, s’il était évidemment prévisible et bien venu, est aussi l’une des choses qui tranchent avec les précédents épisodes, faisant de Max Payne 3 un TPS plus classique où la majeure partie de l’action se fera caché derrière des abris de fortune. Toutefois, les murs et autres barricades étant destructibles, le système de couverture aura pour effet vertueux d’amener un aspect tactique important aux gunfights. En effet il ne sera pas rare de se retrouver encerclé dans une pièce et de voir le pilier derrière lequel on se cache depuis trop longtemps s’effriter, nous forçant à réfléchir quant à la manière de se réfugier ailleurs en prenant le moins de dégâts possible, tout en conservant une position de tir efficace.
En cas de blessure trop profonde, inutile d’attendre caché à l’abri des balles telle une autruche, rien ne se passera. Rockstar n’a pas cédé aux sirènes de l’accessibilité et il faudra toujours trouver des painkillers, ces fameux cachetons d’antidouleurs qu’affectionne tant notre ami Max. Toutefois, si vous vous faites descendre alors que vous possédez encore quelques cachets sur vous, il sera possible de tuer celui qui vous aura blessé. Dans le cas d’un succès, vous prendrez automatiquement un painkiller, dans le cas contraire… Game Over. Ce message peu sympathique, préparez vous à le voir souvent, car Max Payne 3 n’est pas un jeu facile, qu’on se le dise, c’est même plutôt l’inverse et cela, même dans les niveaux de difficultés les plus bas. Et c’est tant mieux, puisqu’il ne faudra guère plus de dix heures pour en voir le dénouement.
Graphiquement, l’ensemble est sublime. Ca explose dans tous les sens. Les environnements sont très détaillés, amenant un peu de samba dans notre salon. Les différents personnages sont toujours charismatiques, leur traits sont finement dessinés et que dire des animations tout bonnement hallucinantes. De mémoire de joueur, on n’avait jamais vu ça, les mouvements sont incroyablement réalistes et fluides. La biomécanique est respectée, ainsi on verra les bras bouger pour entrainer le torse lorsque l’on visera le coté opposé au déplacement. Les lumières imposent chaque ambiance, que Max se trouve dans la chaleur moite d’un bordel des favelas oublié du gouvernement ou dans le froid d’une nuit New-Yorkaise, chaque environnement est crédible et tend à créer l’immersion, tout comme les cinématiques généralement explosives, comme pourrait l’être un John McLane sous extasy.
Malheureusement, si ces séquences sont magnifiques et se mêlent adroitement aux séquences de jeu, il n’empêche que dans l’esprit de n’importe quel vrai fan de la série, jamais elles ne pourront remplacer les bandes dessinées des deux premiers épisodes, bien plus charismatiques. De plus elles se révèlent bien trop nombreuses et ont méchamment tendance à ralentir l’action et endormir le joueur, se retrouvant spectateur, plus qu’autre chose. C’est étrange, mais finalement, la recette de Max Payne n’est pas qu’une simple addition d’idées de gameplay mises bout à bout. Max, c’est avant tout une ambiance particulière se rapprochant plus du Sin City de Franck Miller que de Die Hard et c’est pourtant un ersatz de ce dernier qui nous est servi ici. Pas que l’ensemble soit mauvais, loin de là, mais on « payne » à retrouver ce caractère particulier qui collait si bien à la série de Remedy.
Le scénario est très travaillé mais bien trop classique pour coller à ceux des deux premiers opus. En effet, on a vite l’impression que les développeurs se sont inspirés de films comme Man on fire avec Denzel Washington où un garde du corps va tout faire pour sauver son protégé… il manque cette noirceur enivrante et angoissante qui caractérisait la narration des anciens épisodes. De plus le doublage en anglais et la petitesse de la police des traductions risque de laisser beaucoup de joueurs anglophobes sur le carreau. Il aurait été agréable de pouvoir choisir, même si la version originale est tout bonnement excellente. Une traduction des discussions en Portugais n’aurait, également, pas été de trop. Pourtant Rockstar semble avoir tenté de préserver au maximum ce qui faisait l’essence du jeu originel, mais échoue à le restituer, surement par un manque d’attention aux quelques détails suscités. Imaginez, même le thème musical a disparu ! C’est tout de même impardonnable.
En complément de l’aventure en solo, un des objectifs pour Rockstar était le développement de modes multijoueurs. Si cette idée peut faire peur au premier abord, il faut reconnaître que tout ça fonctionne plutôt bien au final. Il sera possible de gagner de l’expérience permettant de débloquer de nouveaux items pour customiser notre avatar et donc devenir plus fort. Un concept de jeu classique de nos jours, mais néanmoins efficace. Une fois connecté, on trouvera, outre un deathmatch assez classique, des modes Painkiller et Gang Wars plus originaux. Dans le premier, deux joueurs prendrons l’apparence de Max et Raul et devrons faire front contre tous les autres joueurs. Pour cela ils auront à leur disposition un arsenal bien plus puissant que leurs adversaires. En cas de mort d’un des protagonistes, l’assassin prendra sa place et inversement. Dans Gang Wars, il faudra réussir un objectif donné aléatoirement pendant cinq manches où la dernière clôturera les comptes des deux équipes belligérantes par un bon gros deathmatch des familles.
Conclusion
Loin d’être un mauvais jeu, la résurrection de Max Payne par Rockstar fait plaisir à voir. Le jeu est superbe et emporte le joueur dans une spirale destructrice sous le soleil du Brésil, mais, hélas, comme dans la coupe de cheveux de notre BILLOU95 national, il y a quelque chose qui cloche. Et ce qui cloche, c’est l’âme du jeu d’origine qui, malgré tout le soin apporté par les développeurs, semble avoir disparu. Oui, Max Payne 3 est un très bon jeu. Oui il est immersif et intéressant. Oui on est très content de revoir cette licence mais non, ce n’est pas vraiment un Max Payne et nombre de joueurs ayant écumés, comme moi, les deux premiers volets, ne retrouverons pas ce qui les a passionné il y a maintenant une dizaine d’années.
Note globale