Papo & Yo en test, Pipo et Mollo au Brésil

L’art c’est bien, c’est bon. Oui mais voilà, l’art a une grande tendance à être copié, déformé, détourné pour, parfois, en de trop rares occasions, redevenir de l’art sous une forme nouvelle et merveilleuse. Dans le monde fabuleux et délicieusement corrompu du jeu vidéo, l’art existe aussi. Il est maintenu en vie, en grande partie, par la production incessante des développeurs indépendants, toujours en quête de nouveaux moyens pour raconter une histoire ou bien simplement nous divertir. Les aventures de Pipo et Mollo que nous allons découvrir aujourd’hui font, évidemment sinon je n’en aurais pas parlé, parti de la deuxième catégorie, celle des vilains copieurs. En effet, dès les premières minutes, on ressent cet effet de déjà vue. Attention, je n’ai absolument pas dit que c’était désagréable… pour peu que ça redevienne de l’art.
Papo & Yo fait partie de cette catégorie de jeu cherchant à faire vivre au joueur de nouvelles sensations, psychologiquement parlant. Il tente autant d’émerveiller que d’émouvoir, un peu à la manière d’Ico sur Playstation 2 ou bien encore du récent et apprécié The Journey. Malheureusement, autant vous prévenir tout de suite, si le caractère émotionnel fonctionne rapidement, ne vous attendez pas à être émerveillé tant le moteur graphique est laid et dépassé.
Notre gentil héros semble avoir malencontreusement glissé nu sur un balais tant les animations sont raides et hachées, le tout allant même jusqu’à gêner à la maniabilité lors de phases de plateformes un peu corsées, pour ne pas dire au pixel près, ce qui provoque une irrépressible envie d’éteindre sauvagement la console. Finalement, la comparaison avec Ico n’est pas si capillotractée, puisque les deux productions semblent avoir été développée à la même époque. Enfin, après tout, l’art n’est pas qu’une question de technique, mais de sensations, de sentiments et sur ce point, le jeu de Minority Media est terriblement efficace.
Le scénario nous compte l’histoire de Quico, un jeune Brésilien dont la vie ressemble à un calvaire. Forcément, avec un père alcoolique préférant cogner que vérifier les devoirs, il y a de quoi être dépressif… ou finir tueur en série psychopathe, mais c’est une autre histoire. Papo et Yo est né de l’histoire personnelle de Vander Caballero, directeur artistique sur le jeu et donc, forcément bien positionné pour transmettre les émotions de ce mal-être enfantin n’ayant aucunement l’intention d’être moralisateur ou bien d’apporter des solutions toutes faites.
Non, la production de monsieur Caballero est au contraire lumineuse et tends à montrer la force de caractère de notre héros pour sauver son père de la dépendance. Trêve de sujets culturels graves, sachez que Quico a tout de même une imagination débordante, lui permettant de s’évader de son triste quotidien, et dans ses rêves, il possède certaines capacités surhumaines transformant les favelas de son pays natal en gigantesque terrain de jeu. C’est donc ainsi, caché au fond d’un tuyau d’aération, que nôtre héros commence à rêver, et que démarre notre périple.
Chico et Roberta est un jeu simple possédant un gameplay simple. Trois boutons seront nécessaires pour boucler l’aventure. On trouvera donc le saut, pouvant être allongé au fil du jeu, un bouton d’action permettant de prendre des objets ainsi que d’actionner les nombreux mécanismes et enfin, un dernier bouton envoyant votre ami Lula interagir avec certains interrupteurs spécifiques… et c’est tout. Pourtant le soft n’en est pas simpliste pour autant puisque, rappelons quand même qu’il s’agit d’un puzzle-game dans l’esprit de Limbo, la troisième dimension en plus.
Vous devrez donc vous creuser gentiment les méninges pour faire traverser à Monstre, l’incarnation fantasmagorique de votre père, les différents tableaux. Comme l’image paternelle alcoolique, Monstre aura deux visages ; celui d’une ombre bienveillante, capable de vous sauver quand rien ne va plus, comme celui, beaucoup plus inquiétant d’une bête menaçante et incandescente dont vous serez la proie principale. Ce dernier état sera provoqué par l’absorption de grenouilles, métaphore étrange, vous obligeant à chercher un fruit pourri (oui bah là j’ai pas trop compris…) afin de calmer la bête.
Vous passerez donc quelques heures, pouvant se compter sur les doigts d’une main de manchot, à attirer Monstre d’un point à un autre, à actionner de nombreux mécanismes et à cavaler pied nus dans les rues des favelas tel un Kirikou brésilien. Tout cela portée par une magnifique musique aux accents hispaniques transcendant fabuleusement l’expérience.
Conclusion
Finalement, s’il n’a pas réellement réinventé la Lambada, Papo et Yo est un agréable divertissement qui se vivra d’une traite, le temps d’une après-midi nuageuse. C’est également son plus gros point faible car, si on ne peut aucunement lui reprocher d’être ennuyeux, c’est peut être aussi car sa durée de vie n’excédera pas les cinq heures ce qui peut être une très désagréable surprise lorsqu’on a déboursé pas moins de 15€. Néanmoins, son monde est enivrant et on n’aura de cesse que de découvrir son triste dénouement.
Note globale